Rencontre avec Françoise Huguier à bord de Murano
Le 07/05/2025 par seine avenue
À l’occasion de l’exposition consacrée à la photographie malienne actuellement visible à Quai de la Photo, la photographe, académicienne et grande voyageuse Françoise Huguier, également initiatrice de la Biennale de Bamako, est montée à bord de Murano pour un voyage symbolique sur la Seine. Connue pour ses récits visuels aux confins du monde, elle est revenue sur son rapport intime aux fleuves, à la navigation, à la création et à la mémoire. Cette traversée est devenue un moment privilégié d’échange et de réflexion autour de son univers artistique et de l’importance du voyage dans son approche photographique.
La navigation ou l’idée du fleuve évoque-t-elle pour vous des souvenirs particuliers liés à vos voyages ?
Le premier fleuve qui m’évoque toute une histoire de vie, c’est le Mékong, en 1950 au Cambodge, quand j’étais prisonnière des vietminh à l’âge de 8 ans. Pour arriver au camp dans une forêt vierge, ils nous ont emmenés en pirogue de Kompong-Tiam à Kratié.
Et en 1980, j’ai eu la chance d’avoir un visa pour la Birmanie. J’ai circulé en bateau sur l’Irrawaddy, de Mandalay à Pagan, grand site archéologique bouddhique, avec de nombreux monastères, pagodes et temples. A toutes les escales, assez longues, j’ai pu photographier les petits ports.
Le Mali, tout comme d’autres lieux que vous avez parcourus, est souvent traversé par des fleuves. Cette proximité de l’eau a-t-elle influencé votre manière de voir ou de photographier ?
Au Mali coule le fleuve Niger… Les photos de Malick Sidibé, qu’il a faites sur les baigneurs au bord du Niger, notamment les femmes en maillot de bains et même nues, m’ont donné l’idée de prendre le bateau à Koulikoro qui est le port de Bamako, et d’aller jusqu’à Tombouctou. Ce qui m’a beaucoup inspirée, c’est avant Mopti et toute la région Peul, où les habitants venaient dans l’eau pour nous proposer des fruits et des légumes. J’ai pu ainsi photographier les gens de très près. A Tombouctou, je savais qu’il y avait des hippopotames dans le Niger, alors j’ai pris une pirogue pour aller les photographier. Malheureusement, les hippopotames dans l’eau, on ne voit que deux petites oreilles. Mais par chance, de l’autre côté du fleuve, est passé un troupeau de dromadaires, j’ai mitraillé et le dernier dromadaire est passé juste au moment où le piroguier bozo baissait la tête. Là j’ai appuyé sur le déclencheur. Et cette photo, où tout se passe à gauche, est devenue une photo iconique.
« Le pêcheur bozo, Tombouctou, 1988 ». Couverture de l’ouvrage de Françoise Huguier, « Sur les traces de l’Afrique fantôme » (éd. Maeght, 1990).© Françoise Huguier
Comment envisagez-vous le lien entre déplacement, observation et création dans votre travail ?
Avant de me déplacer, je lis beaucoup — L’Afrique fantôme, sur les traces de Michel Leiris, ou sur la Sibérie polaire pour Kommunalka. Lire, ça me donne des idées. Parfois, sur place, ça ne correspond pas du tout au texte que j’ai lu…
Et ce qui est important pour moi, ce sont les gens, la lumière, les cadrages… Je n’ai jamais été influencée par les autres photographes, mais par les réalisateurs de cinéma, par exemple Tarkovski pour la Sibérie polaire.
Si vous deviez associer un mot ou une image à la Seine aujourd’hui, lequel choisiriez-vous ?
Ce qui me marque quand je suis au Quai de la Photo, ce sont toutes les péniches qui passent. Je pensais qu’il y en avait de moins en moins, alors que chaque fois que je m’assois, que je regarde, j’en vois toujours beaucoup. Cela me fait penser au film L’Atalante de Jean Vigo.
© crédit photo : Marion Briffod
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L’exposition « Un autre Mali dans un autre monde » est à découvrir à Quai de la Photo jusqu’au 1er juin 2025.
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