Les ponts de Paris. Épisode 1 : Le Pont Neuf

Le 27/08/2025 par seine avenue

37 traits d’union entre deux rives, qui retiennent parfois les îles de suivre le courant et de se jeter dans la mer avec la Seine.

Ils ont souvent des pieds dans l’eau, bottes de sept lieux qui résistent à un courant sans fin. Quand on s’arrête devant leurs piles, on voit ces proues immobiles, fendre pourtant les flots comme pour revenir à la source.

Chaque pont visible aujourd’hui a son histoire, bien sûr, mais certains méritent qu’on s’y attarde un peu.

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Episode 1 : Le Pont Neuf

Le pont Neuf  est le plus ancien de tous les ponts de Paris visibles aujourd’hui. D’autres plus anciens que lui, en bois, ont disparus. D’autres encore, construits après lui, ont aussi été détruits, remplacés.

Commencé sous Henri III en 1578, il sera achevé en 1607, sous Henri IV, dont la statue équestre, d’inspiration antique est installée entre les deux parties du pont. Elle a été fondue à la Révolution et restaurée… sous la Restauration. 

Il a résisté au temps et ne montre aucun signe de faiblesse. Ses fondations sont en bois, comme celles de Notre Dame ou de Venise, faites de forêts de pieux enfoncés dans le lit de la Seine.

L’ensemble qu’il forme avec la place Dauphine (du dauphin, le futur Louis XIII) constitue l’un des premiers projets d’aménagement urbain à Paris.

Giuseppe Canella – La Cité et le Pont-Neuf, vus du quai du Louvre, 1832 (Musée Carnavalet)

Il était neuf, ce pont, non pas de sa toute récente construction, ce qui était le cas de tous les ponts construits au début de leur carrière, mais neuf de sa nouveauté, de sa modernité. Il était le premier à être construit en pierre, depuis longtemps ; le premier à être doté de trottoirs, pour y cheminer en sécurité et à l’abri des souillures de la chaussée carrossable ; le premier à ne pas être couvert de maisons. Il y eu bien des échoppes au dessus de chaque pile, comme les échauguettes d’un château fort, mais de loin en loin et sans étage.

Boutique sur le Pont-Neuf en 1848, d’après une gravure de Martial – 1848

Sous ces échoppes, il y avait des réserves, des caves, nichées dans l’épaisseur des piles et reliées entre elles par un souterrain, sous le tablier du pont. 

Les alvéoles qui surplombent la Seine, débarrassées au XIXème siècle des échoppes qui les occupaient, sont aujourd’hui parmi les plus beaux bancs publiques de Paris. Adolescent, c’était une des destinations favorites de mes excursions à vélo ou à mobylette. Je m’y installais des heures, en surplomb au dessus de la Seine, lisant, contemplant au soleil.

Une alvéole du pont-neuf

Et puisque j’en suis aux souvenirs personnels, j’ai beaucoup aimé l’emballage du pont par Christo et Jeanne-Claude, en 1985. Je révisai alors mon examen de passage en deuxième année d’architecture. Mon école était toute proche, rive gauche. Les escaliers qui descendent au square du Vert Galant avait aussi été tapissés de toile ; les sons de la ville y étaient étouffés. Assis sur les marches, j’avais trouvé là un lieu pour me concentrer, ce qui était précieux pour moi.

Sur le massif mur de soutènement qui contient cet escalier, en contrebas, à l’aval, on peut lire sur une petite plaque que Jacques de Molay, dernier Grand maître de l’Ordre du Temple, a été brûlé ici en mars 1314. Le bûcher aurait en fait sans doute été quelque part sous l’actuelle place Dauphine…

On ne sait pas ce que furent ses dernières paroles, à l’adresse du Pape Clément et du roi Philippe (IV, dit le Bel), mais Maurice Druont dans les Rois maudits le met en scène maudissant ses bourreaux avec ces mots : « Pape Clément ! Chevalier Guillaume ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à comparaître devant le tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment. Maudits ! Maudits ! Soyez tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! » 

Avec les mascarons du Pont, la pompe de la Samaritaine, le barrage-écluse de la Monnaie, et sans doute bien d’autre curiosités, cette extrémité de l’île de la Cité, ce berceau flottant de Paris est un lieu dense, toujours à la pointe… Est-ce une proue, une poupe ? Tout dépend du point de vue.

Vue du Pont Neuf et de la pompe de la Samaritaine à Paris en 1743 – Hyacinthe de la Peigne – musée des Beaux-Arts de Vienne

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L’article est écrit par Philippe Fournié

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